Origine du carrefour dit "La CROIX du PAPE"
Chacun sait qu’elle commémore l’arrêt du pape Pie VII
à Tronsanges à Barbeloup.
Auparavant, il n’y avait qu’une croix de bois dont le socle de pierre
peut être retrouvé, dissimulé dans les hautes
herbes, à l’entrée du petit chemin creux qui
débouche sur la route de La Marche, à gauche, avant
La Charnaye, qui donna le nom du "Champ de la Croix" aux terres
environnantes.
Le lieu ou en 1912,
la croix en bois, fut implantée dans le socle de pierre,
remplacée au lieu dit "La Croix du Pape" par la colonne en
pierre.
= = = = = = = = = = =
En 1912, , le chanoine
Meunier publiait un fascicule:
« Centenaire de l’arrêt du Pape
Pie VII à Tronsanges »
Suite à une
proposition faite à Mr Le Maire en 1995, on
peut s’enorgueillir que ce document précieux pour notre histoire
locale ait été acquis par la commune de Tronsanges, qui
ont sans doute déjà pu en lire des passages
publiés dans le bulletin municipal.
= = = = = = = = = = =
Quand le convoi de Pie
Vil s’est arrêté le 19 juin 1812,
c’était dans des conditions particulières: il
était alors prisonnier depuis juillet 1809 de l’empereur
Napoléon 1er (C’est pour se rendre à son sacre que, en
1804 déjà, il était passé par notre
commune).
On était en juin,
le 19, Pie VII avait 77 ans;
transporté de ville en ville depuis l’Italie, on lui avait
enlevé ses habits pontificaux, retiré ses mules (ses
pantoufles) pour en ôter la croix d’or et les barbouiller
d’encre; on l’avait couvert d’un surtout (vêtement) de couleur
grise et coiffé d’un simple chapeau de prêtre.
Furieux d’une bulle d’excommunication à la suite des violences
contre le saint Siège, Napoléon l’avait fait enlever,
séparer de tous ses cardinaux et conseillers.
C’était, d’après Jean-Marie Meunier, un vieillard
épuisé par les privations, la maladie et les brimades
qu’on transportait sans ménagements dans sa « bastardelle
» ( berline à chevaux) aux persiennes clouées et
dont on maintenait les portières fermées à
clé.
Malgré tout cependant, en égard à son état
d’extrême fatigue, on lui avait installé un petit lit sur
lequel il pouvait s’allonger. Tous ses serviteurs habituels avaient
été écartés, jusqu’à son vieux valet
de chambre qui lui servait de barbier. Seul, un chirurgien avait
été autorisé à s’asseoir à ses
côtés dans sa berline ; ce chirurgien, du nom de Claraz,
faisait boire au pape de l’eau mélangée de sirop de
violettes. Le cortège était parti pour la France
après une nuit passée à l’hospice du Mont Cenis
dans les Alpes. Trois officiers de gendarmerie formaient le
cortège pour le suivre de près et le surveiller dans une
autre voiture.
Jean-Marie
Meunier mérite
d’être présenté , auteur de l'ouvrage
:
"Les Passages du Pape
Pie VII dans la Nièvre. 1804-1812 " (voir page
précedente)
Son arrière grand-père s’appelait Mûller; il
était né en Autriche; arrivé en France avec les
troupes du duc de Brunswick sous la Révolution, il avait
été fait prisonnier à la célèbre
bataille de Valmy en septembre 1792; rendu à la liberté,
il était resté en France et venu s’installer à
Chaulgnes puis à Barbeloup. En 1814, lors de l’invasion des
alliés contre Napoléon, ii rendit de grands services
commé interprète et en retenant les autrichiens de mettre
le feu à nos villages. Par la suite, il se fit naturaliser
français en prenant le nom de Pierre Meunier (qui est la
traduction de l’allemand Mûller). Il épousa Marie
Bachelier, union de laquelle naquit Jean Meunier, qui, âgé
de 12 ans, sera l’enfant qui apportera la collation au Pape Pie
Vll.(N.B. Marie Bachelier, morte l’année suivante -1 8/02/1813-
Pierre Meunier épousera en seconde noce Charlotte Boisson,
elle-même veuve -19/12/1812- du « père Colin
», maréchal ferrant qui aura à referré un
cheval de l’équipage du pape).
L’arrêt à Barbeloup ( rappporté , cent ans
après par son grand-père), selon le
chanoine Jean-Marie Meunier
Vendredi
19 juin 1812 (récit)
« Il était arrivé à
Barbeloup,... dans la matinée, ... une dizaine de chevaux qu’on
avait logés avec peine dans ce demi-relais ( un arrêt
entre les deux relais de poste de Pougues et La Charité).
Il était donc trois heures du soir environ
Mon grand-père, âgé de douze ans, employé
comme ouvrier maréchal dans l’atelier de forgeron du père
Colin, situé près de la route nationale de Lyon à
Paris, entend le roulement bruyant de plusieurs voitures .. .
Poussé par la curiosité, il sort aussitôt et
aperçoit une grande berline attelée de six chevaux de
poste et deux autres voitures qui suivaient à distance. Les
trois voitures s’arrêtent devant en face de l’unique habitation
qui se trouvait à cet endroit; c’était la maison de mon
arrière-grand-mère... Un des chevaux avait besoin
d’être ferré; on profita de cette circonstance fortuite
pour laisser reposer le saint-Père qui n’était pas sorti
de sa voiture depuis le Mont-Cenis.
Un valet se dirige vers mon grand-père et lui demande une tasse
de lait et deux oeufs. De la première berline dont on avait
ouvert les portes, précédemment fermées à
clé, descend un ecclésiastique d’une pâleur et
d’une maigreur extrêmes...
La chaleur est accablante et il n’y a point d’ombre sur la route car
les arbres magnifiques qui la bordent aujourd’hui (on est en 1912, date
du récit) ont été plantés bien après
après 1812; toutefois près du chemin se trouvait à
l'époque un superbe cerisier projetant, sur la chaussée
de gauche, une ombre bienfaisante.
C’est là que vont
s’asseoir les deux ecclésiastiques, sur
des sièges improvisés sur l’herbe. Mon grand-père
était parti chercher le lait et les oeufs chez Mme Colin; mais
déjà, au bruit des voitures, la femme du maréchal,
sortie de sa maison voisine de l’atelier de son mari, tellement
effrayée en voyant trois officiers de gendarmerie,
s’était enfuie derrière sa demeure pour aller trouver une
voisine qui habitait à deux ou trois cents mètres, son
amie Mme Daguin.
Les officiers de gendarmerie allèrent s’attabler dans la maison
qui servait aussi d’auberge et de demi-relais de poste.
Deux valets avaient improvisé une table sous le cerisier
chargé de ses fruits mûrs..
Madame Colin, épouse du maréchal, un peu enhardie par la
présence de son amie, en moins de dix minutes avait
préparé et apporté ce que le valet avait
demandé...
Quand le vieillard eut terminé son frugal repas, il fit
s’approcher l’enfant, mon grand-père, et lui dit en
français: «--Quel âge avez-vous? --Douze ans,
répondit l’enfant. --Tiens, reprit le vieillard, voilà en
souvenir du passage du pape! » Et mon grand-père
reçut 0,60 fr, autant de sous qu’il avait d’années.
En entendant ces mots, les campagnards se précipitent aux pieds
du Souverain Pontife en lui demandant sa bénédiction. Le
Saint Père les bénit tous avec effusion. Aussitôt,
le cortège repartit à vive allure... L’arrêt avait
duré trois quarts d’heure.
Les témoins de
cette scène coururent au bourg raconter ce qui s’était
passé... (récit)
« Le spectacle était ravissant pour des voyageurs qui
n’étaient pas descendus de voiture pendant quatre jours et
quatre nuits. La route nationale passe à cet endroit dans un
pays pittoresque et accidenté: à gauche,
s’étendent de verdoyantes prairies que traverse aujourd’hui la
voie ferrée Paris — Lyon, plus loin, des coteaux plantés
d’arbres fruitiers de toutes sortes. La Loire promène ses eaux
de ce côté, mais les bocages du vallon et les accidents du
terrain empêchent d’en voir le ruban argenté. A droite, se
trouve une vallée (?) couverte de blés et de seigles
encore verts...
Au-delà se dessinent les montagnes (?) de Mimont et des Coques,
couronnées de forêts . . .Les flancs escarpés (?)
de ces fertiles collines sont plantés de vignes vigoureuses...
Derrière, se dresse la montagne de Pougues qu’ils viennent de
franchir; à mi-côte quelques villages
disséminés dans les bosquets, puis des maisons
isolées ... »
Les recherches sur les plus anciens cadastres (de 1818 ) amènent
des constatations aussi surprenantes qu’intéressantes qu’on peut
recouper avec le récit du grand-père du chanoine Meunier:
Il semble que le hameau de Barbeloup, qui, en 1812, était
plutôt étendu vers le Nord se limitait à trois
maisons dont deux subsistent encore (au moins leur emplacement, car
elles ont sans doute été rebâties) selon le plan
ci-dessous
L’emplacement de la
maison de Mme Daguin figure sur le cadastre de
1818, ainsi que celle qui appartient
à Mr Michot.
Quant au cerisier, conservé avec vénération, il a
fini par mourir de vieillesse en 1863; c’est alors qu’on décida
d’élever une croix de bois à sa place. Les principaux
propriétaires des environs ayant fait remarquer qu’une simple
croix de bois n’était pas digne d’un pape; son installation
à peine achevée, une souscription ouverte pour cette
nouvelle croix vit arriver les dons
de toutes parts qu'elle permit l’édification du monument actuel,
classé à l’inventaire des monuments historiques.
La croix en bois, fut transportée là
où peut retrouver le socle de pierre, proximité du
« champ de la Croix ».
La pierre qui servait de
socle à la croix en bois, après son déplacement
.= = = = = = = = = =
Le lieu-dit la "Croix du
pape", ainsi encore appelé en souvenir de l’ancienne
croix de bois avant 1912, c’est une colonne monolithe de cinq
mètres de haut surmontée d’un chapiteau aux armes
pontificales, les clefs de Saint-Pierre et la tiare .La croix existe
sous forme d’un petit ornement au sommet de la tiare; autrefois, elle
était dorée. A l’origine, une balustrade en fer
forgé entourait le monument, aujourd’hui, elle n’existe plus.
La collonne
érigée pour le centenaire du passage du pape
La Croix du pape telle que nous la connaissons de nos jours.
|